« Recentralisation et néonationalisme à tous les étages »

Ce titre est le titre de l’éditorial du numéro 196 de la revue Land un Sproch, que je me permets de restituer intégralement ici. Il est rédigé par Jean-Marie Woehrling, président du Centre Culturel Alsacien et de l’association Culture et Bilinguisme d’Alsace et de Moselle – René Schickele Gesellschaft.

En accord complet avec ce bilan sur l’état actuel de l’Alsace, la France, l’Europe, je n’avais aucun intérêt à rédiger un article supplémentaire sur le sujet alors que cet éditorial le fait très justement, avec sobriété et lucidité. Il rappelle au passage, si besoin était, que les valeurs défendues (par l’association Culture et Bilinguisme d’Alsace et de Moselle, par les néo-autonomistes alsaciens, par bon nombre d’amoureux de la langue alsacienne, par ce blog, etc.) ne flirtent surtout pas avec le repli identitaire régionaliste, mais s’ancrent bien au contraire dans un monde ouvert et mouvant, loin des peurs, constamment attisées, depuis maintenant plusieurs années, à l’origine des néo-natinoalismes évoqués ici, et contre lesquels le régionalisme ouvert, dynamique et humaniste prôné s’élève. Je ne serais personnellement peut-être pas allé jusqu’au paragraphe final, touche d’espoir lié au symbolisme de la période de Noël. Les Allemands surnomment cette fête « das Fest der Liebe » (la fête de l’amour) : ce dont nous manquons peut-être de plus en plus…


«La période actuelle n’est pas réjouissante. Nous vivons une forte régression centralisatrice et nationaliste. La réforme territoriale imposée par le pouvoir parisien dans le mépris total de l’opinion des populations concernées a réduit l’idée régionale à l’état de caricature.

Le démantèlement des dernières émissions en dialecte et la reconcentration des médias publics signent la faillite de la décentralisation. Le poids des partis nationaux, tous obsédés par la seule élection présidentielle, plombe le débat public. Les évènements du 13 décembre servent d’alibi pour le retour d’un nationalisme exacerbé : on prétend regagner des populations marginalisées par l’agitation de drapeaux tricolores. On escompte démontrer la barbarie de nos adversaires en chantant « qu’un sang impur abreuve nos sillons« . L’état d’urgence sert d’alibi à la généralisation  d’un contrôle centralisé. Notre Gouvernement arbore des rhétoriques de va-t-en guerre à l’image de G.W. Bush. À gauche et à droite, on se rallie aux thèmes lepénistes. L’Europe sans frontière se fissure : nous avons de nouveau des contrôles sur le pont de Kehl* et Schengen parait condamné par la crise des réfugiés. À l’image de la France, les mouvements nationalistes gagnent du terrain dans tous les pays. En Pologne, le nouveau Gouvernement a mis les drapeaux européens au rencart. On attend avec résignation la prochaine crise, le prochain attentat, la prochaine menace de sortie de l’Europe de tel ou tel pays, le relatif échec de la COP 21.

Tout ceci pèse négativement sur notre vision d’une Alsace plurielle, attachée à faire valoir sa personnalité, pionnière pour une France fédéralisée et une Europe intégrée et solidaire. Le manque d’entrain pour les manifestations en faveur de notre langue, les catastrophiques élections régionales, les faibles réactions à la remise en cause du régime local d’assurance maladie, attestent d’un découragement empreint de fatalisme.

Mais Noël nous rappelle que c’est au plus profond de la nuit que la lumière peut surgir, du moins si nous restons en attente et si nous savons reconnaitre les signes du renouveau.»

Jean-Marie Woehrling, « Recentralisation et néonationalisme à tous les étages », in Land un Sproch, n°196, décembre 2015, p.02

*Kehl : ville frontière de Strasbourg, côté allemand.

Une réflexion au sujet de « « Recentralisation et néonationalisme à tous les étages » »

  1. Moreau

    Je partage moi aussi dans les grandes lignes ce texte. Je trouve cependant un peu dommage de le trouver un peu fermé sur lui même, semblant vouloir préserver à tout prix un certain passé tout en reconnaissant cependant un certain échec dans la mobilisation. Quid du principe de laïcité et du fonctionnariat des prêtes en Alsace ? D’ailleurs la dernière phrase est-elle céleste ou liturgique ?
    En allant de l’avant, que vive une nouvelle région plurielle et fédérale 😉

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